Ce mercredi 8 mars nous célébrons la journée internationale des droits des femmes, journée à laquelle il nous semble important de prendre part à l’INSTEP tant l’année 2022 nous aura prouvé que les droits du « deuxième sexe » demeurent fragiles et plus que jamais nécessaires.
La restriction voire l’interdiction de l’avortement dans de nombreux Etats des Etats-Unis, le sang versé en Iran depuis l’embrasement du pays après la mort pour « tenue indécente » de Mahsa Amini, la restriction drastique des droits des femmes en Afghanistan depuis le retour des talibans, le fléau des violences faites aux femmes au Mexique (3427 meurtres de femmes recensés en 2021)… Les exemples sont nombreux aux 4 coins du monde qui témoignent des violences sexistes et sexuelles et des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes. Lors d’une conférence à Doha le 5 mars 2023, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, a déploré que l’égalité hommes / femmes soit un objectif de plus en plus lointain, atteint au mieux dans 300 ans sur l’ensemble de la planète selon ONU Femmes. Face à ces tristes constats, il nous semble important de revenir sur l’histoire de cette journée et de comprendre les enjeux du féminisme contemporain.
La journée internationale des droits des femmes fut à l’origine instaurée par Clara Zetkin, militante socialiste allemande en août 1910. Nous sommes alors, historiquement, dans la première vague du féminisme qui s’est déployée du XIXème siècle jusqu’aux années 30, centrée sur la question des droits civiques et civils des femmes, notamment le droit de vote. Mais il est à noter que cette première célébration fut à l’initiative non pas des mouvements féministes, très actifs à l’époque, mais du mouvement socialiste. Clara Zetkin refusait l’alliance avec « les féministes de la bourgeoisie » pour se tourner vers les femmes du monde ouvrier. Puis c’est en Russie, le 8 mars 1917, que la journée internationale des ouvrières s’est trouvée coïncider avec le premier jour de la révolution russe. Cette date est alors érigée en symbole dans de nombreux pays et deviendra chaque année une forte journée de mobilisation des femmes issues des partis communistes. La journée internationale du 8 mars est née.
A travers le temps et les 4 vagues successives du féminisme cette journée est restée une tradition fortement ancrée bien que son origine ouvrière ait été perdue de vue au cours des années 60. Les sixties marquent le début de la deuxième vague du féminisme dont les réflexions sont majoritairement portées par des intellectuelles issues des classes aisées. Ces réflexions sont centrées autour de l’égalité sociale des hommes et des femmes, de la liberté des femmes à disposer de leur corps et d’une exploration des conditions du « devenir femme », pour paraphraser Simone de Beauvoir. Il faut attendre les années 1990 et l’apparition du féminisme intersectionnel pour que le sujet de la lutte des classes au sein du féminisme trouve un nouvel essor.
Le féminisme intersectionnel vise à atteindre la convergence des luttes contre le sexisme, le racisme et le capitalisme en mettant en lumière les disparités existantes entre femmes d’origines, de cultures, de classes et d’orientations sexuelles différentes. La parole est alors prise par des minorités qui subissent de nombreuses discriminations et une invisibilisation au sein même du féminisme dit « bourgeois » : femmes racisées, lesbiennes, trans, en situation de handicap, etc. La journée du 8 mars, portée par ce féminisme intersectionnel, devient alors une tentative de réconcilier au sein du mouvement des opinions et des réalités fortement divergentes.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’est-ce qui porte la quatrième vague du féminisme sur laquelle, depuis quelques années, nous apprenons tous et toutes à surfer ? Ces dernières années les réseaux sociaux sont devenus un outil central pour mobiliser les femmes de tous les pays autour de problématiques communes : le hashtag #Metoo en témoigne. Depuis 2017, la mise en lumière des violences sexistes et sexuelles persistantes dans nos sociétés occidentales et de l’impunité des violeurs et agresseurs a fait émerger une nouvelle dynamique par-delà les frontières. Metoo n’a pas seulement envahi les plateaux de cinémas, mais tous les pays, tous les milieux sociaux et de nombreux secteurs d’activité où derrière le glamour les mécanismes de la domination masculine restent rois.
Les réseaux sociaux sont devenus un formidable outil de ralliement et d’entraide dans les cas les plus extrêmes, tout comme un lieu où les témoignages personnels, les podcasts et les œuvres artistiques affluent pour faire changer les lignes de code et les représentations des genres. C’est peut-être là le coup de force de cette quatrième vague du féminisme : son omniprésence ébranle même les oreilles les plus réfractaires à sa cause et les prises de parole et de positionnement commencent, enfin, à émerger du côté des hommes.
Qu’ils aient subis des violences sexuelles et/ou conjugales ou qu’ils soutiennent le féminisme par une remise en question de la construction de la virilité, ce que la 4ème vague du féminisme fait bouger ce sont les forces qui animent tous nos rapports : intimes, amoureux, amicaux, sociaux, professionnels, familiaux… La complexité des rapports de domination et de soumission entre hommes et femmes, entre personnes de cultures, d’origines socio-économiques et d’orientations sexuelles différentes nous pousse toutes et tous à repenser nos imaginaires et nos représentations collectives pour cheminer vers un respect des différences et une justice sociale réelle, c’est-à-dire sans hiérarchisation des individus au nom de leur genre, de leur race, de leur statut social, de leur transidentité ou de leurs attirances amoureuses.
Rappelons qu’en France l’écart salarial entre les hommes et les femmes est toujours en moyenne de 26% et que cette journée du 8 mars 2023 est aussi marquée par une forte mobilisation contre la réforme des retraites, défavorable pour tout le monde mais plus encore pour les femmes. En conclusion on ne peut que constater que le chemin est encore long vers l’égalité des sexes, mais que depuis les premières heures du féminisme il est pavé vers un objectif plus large : la fin de toutes les exploitations et discriminations pour une société réellement égalitaire. Cet objectif est l’affaire de toutes et tous et nous sommes heureux à l’Instep d’y contribuer à notre échelle en proposant des formations qui, parfois, aident à la prise d’indépendance de nos stagiaires féminines.
Pauline Negri,
Assistante commerciale à l’Instep Occitanie
Coordonnées des associations locales et nationales disponibles pour accompagner les femmes et enfants victimes de violences (document réalisé par le collectif Nous Toutes) : https://docs.google.com/document/d/1lAa25mqVYlPWnkOwb2xJUyrqT1VCwZdR9kV1FVVbkqE/edit
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VIRAGE (Violences et rapports de genre)
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« Une société réellement féministe, on commence quand ? »
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